Site archéologique
Théâtre antique de Thénac
C'est aujourd'hui un théâtre de verdure en pleine campagne, c'était pendant l'antiquité un théâtre gallo-romain maçonné intégré à un sanctuaire, le long d'une importante voie romaine, à seulement quelques kilomètres de MEDIOLANVM.
Par Romain CHARRIER - Publié le 25 décembre 2014
Vue aérienne du théâtre antique de Thénac, le long de la voie romaine Saintes-Pons - Photo Géoportail
Sur de la voie romaine reliant MEDIOLANVM à BVRDIGALA via Pons (le premier oppidum des Santons), sur la commune de Thénac, se trouve un petit théâtre gallo-romain. Il a été fouillé intégralement en 1990. Construit sur un terrain plat, le théâtre avait un diamètre de 90 mètres. Acquis par l'État le 25 juin 1986, il a été vendu à la commune le 21 mars 2000. Il est classé aux Monuments Historiques par arrêté du 18 décembre 1990.
Ce théâtre faisait parti d'un sanctuaire où a été trouvé les vestiges de thermes romains et où on suppose la présence d'un fanum. L'ensemble du site gallo-romain a fait l'objet d'un classement aux Monuments Historiques par arrêté du 2 mai 1912.
Au sud des vestiges du théâtre se profile l’actuel village des Arènes, connu dès 1047 sous le nom d’Arenas de Valai grâce à la charte de fondation de l’Abbaye aux Dames de Saintes qui a possédé longtemps la majorité des terres autour de ce hameau. Valai semble dériver du nom gaulois Aballo, comme Thénac est issu du composé gaulois Tannos-aco.
Le Théâtre Gallo-Romain
Le théâtre, une invention grecque, comprend toujours trois parties : les gradins ou cavea, le cercle de l’orchestra et l’ensemble scénique. L’édifice a été implanté sur le terrain plat, sans être adossé à une colline. L’élément calcaire du sol a probablement été exploité, d’une part pour extraire le matériau, et d’autre part pour assurer une bonne stabilité aux maçonneries.
Il ne reste plus aujourd’hui que des fondations d’une cavea à six murs semi-circulaires de soutènement avec cinq couloirs d’accès rayonnants. Cette cavea a été divisée en deux demi-cercles concentriques ou maeniana.
La partie de la cavea la plus proche de l’orchestra était appuyée directement sur la roche calcaire. La cavea était accessible au niveau du passage où la maçonnerie était en contact avec la roche. L’installation s’opérait par des travées, nommées vomitoires. Les murs des travées étaient construits en petit appareil selon la technique typique gallo-romaine de l’opus vittatum avec des blocs calcaires locaux et un mortier gris-blanc. Les gradins étaient en bois.
La cavea était bordée dans sa partie intérieure par un muret, dont le sommet est encore parfaitement visible et se détache du reste de cette partie recouvert de terre aujourd’hui. La technique utilisée est le petit appareil avec joint au fer, selon l’ordinaire gallo-romain, mais l’utilisation d’un mortier gris-blanc pour les élévations et orange pour les fondations est assez original et constitue une différence sensible avec les techniques en cours à MEDIOLANVM à la même époque. Le mortier orange n’apparaît que deux siècles plus tard à Saintes ; ceci semble indiquer que les constructeurs du théâtre de Thénac venaient d’autres lieux.
La partie basse formant l’orchestra possède une surface particulièrement vaste. La forme est ici celle d’un demi-cercle légèrement outrepassé. La partie en tribunes était reliée à la scène par deux couloirs latéraux très larges. Le mur de scène, long de quatre-vingt-quinze mètres est parallèle à la voie romaine. Des traces de décors en pierre calcaire ont été retrouvées. La scène elle-même pouvait être de grande taille et en bois. Le caractère très vaste de l’orchestra (environ quarante mètres) semble adapté à la fréquentation de fêtes religieuses, probablement d’origine gauloise.
Dès la fin de la dynastie des Antonins au IIe siècle, le théâtre a été peu utilisé, avant même la grande crise du IIIème siècle (le début des invasions barbares). Au-delà, l’antiquité tardive n’a laissé aucune trace sur le site, que l’on peut considérer comme abandonné jusqu’à l’époque féodale.
Les Thermes
C'est dans la "rue du théâtre romain", au lieu-dit "les arènes" à quelques centaines de mètres du théâtre, que se dressaient des thermes construits en blocage revêtu d’un parement soigné en petit appareil cubique, sauf aux angles où les pierres étaient plus allongées. Un grand arc monumental au sud ainsi qu’un arc aveugle, sont toujours visibles aujourd’hui. Ces thermes datent de l’époque des Antonins, plus particulièrement le premier tiers du IIème siècle, donc les règnes de Trajan ou d’Hadrien. Ces thermes étaient alimentés par la fontaine des Arènes.
Vue sur un mur antique de ce qui a été identifié comme des thermes antiques
Un Santuaire ?
Un théâtre et des Thermes nécessiteraient l’érection au minimum d’un fanum (temple), mais celui-ci n’a jamais été retrouvé et identifié. Un sanctuaire romain, probablement gaulois auparavant, a été identifié sur les lieux d’un ancien étang qui n’est vraiment visible aujourd’hui que lors de grandes pluies. Il est probable qu’à l’époque romaine, ce lieu ait été dédié principalement au dieu Mercure, dont des éléments de statue ont été mis au jour. Cet étang est une résurgence karstique qui prend sa source au Souci de Chadenne sur la commune de Tesson avant de s’écouler environ six kilomètres sous les collines, puis de rejoindre la surface aux Arènes.
Des théâtres ruraux sont construits dans l’ensemble de la Gaule sous les Julio-Claudiens et les Flaviens, particulièrement dans la moitié septentrionale de l’Aquitania. Myriam Fincker et Francis Tassaux ont montré le lien entre les théâtres gallo-romains du centre-ouest et le culte impérial. Ces lieux exprimeraient donc l’attache politique et culturelle créée entre le peuple gallo-romain des Santons et Rome.
La voie romaine
Cette voie romaine reliait donc MEDIOLANVM à BVRDIGALA via Pons. Elle traversait le sanctuaire et passait à une vingtaine de mètres de l’entrée du théâtre, longeait au plus près la source et l’étang des Arènes par l’est. Cette large route s’est alors substituée comme voie principale à un chemin gaulois plus ancien, passant plus à l’ouest et desservant déjà Pons, la capitale des Santons avant la conquête romaine et Saintes. Cette route gauloise appelée depuis plusieurs siècles "chemin ânier" n’a jamais disparu et est toujours visible derrière le théâtre sous la forme maintenant d’un chemin vert qui va rejoindre la rue la plus septentrionale du village des Arènes.
Un vicus ?
Tous ces vestiges suggèrent la présence d’un vicus, une petite agglomération secondaire au moins à partir du milieu du Ier siècle de notre ère. Ce vicus situé sur la voie romaine qui menait de MEDIOLANVM (Saintes) à BVRDIGALA (Bordeaux), était une station étape où les voyageurs pouvaient se reposer, se nourrir, se laver aux thermes et se divertir au théâtre. Les voyageurs pouvaient également prier au sanctuaire de Mercure (des fragments d'une statut de Mercure a été retrouvé sur le site). Mercure dans la religion romaine est le Dieu du négoce et protecteur des marchands. On peut alors imaginer que beaucoup de commerçants voyageant entre Mediolanum et Burdigala s'arrêtaient en ces lieux.
Des Carrières antiques
L'exploitation de déchets de Carrière à des fins artisanales a révélé l'existence de fronts de taille antiques au pied desquels un habitat a été aménagé au milieu du 1er siècle de notre ère. Trois états de construction s'y succèdent avec des murs de pierres sèches surmontés de cloisons de torchis. L'espace à vivre est nettement distinct de l'atelier. La fouille a montré, dans la chaîne opératoire du travail de la pierre, la présence simultanée de plusieurs corps de métiers liés à l'extraction de la pierre, à la préparation des blocs avant la pose, et à la réparation et l'entretien des outils.
La carrière de Thénac est la première qui soit reconnue avec certitude comme romaine dans le bassin de la Charente. L'observation des sols de carrière permet d'avancer dans la connaissance des techniques d'extraction et de proposer une grille d'analyse des procédures utilisées. L'examen de la vie domestique ouvre une fenêtre sur la société encore mal connue des carriers.
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Article Romain CHARRIER - 25 décembre 2014
Sources :
http://www.thenac.fr/pages/histoire-et-patrimoine/notre-patrimoine.html
http://plandecommune.fr/_im/list/Thenac/arenes.html
La carrière gallo-romaine de l'ile Sèche à Thénac en Charente-Maritime - Aquitania 2004 - Gaillard Jacques, Lauranceau Noël, Leblanc Jean-Claude
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