Inventaire archéologique
Les fours de potiers de MEDIOLANVM
Les ateliers de potiers se multiplient progressivement après la conquête romaine, témoignant des mutations dans le domaine de la production de céramique en Gaule. Les techniques de fabrication évoluent, les produits se diversifient et les échanges commerciaux s'accroissent. Saintes dénombre une quinzaine de fours de potiers mis au jour, ce qui est la plus grosse concentration de l’ouest de la Gaule. En sa qualité de capitale de la Gaule Aquitaine sous le Haut-Empire Romain, MEDIOLANVM a vu se développer une industrie céramique importante.
Par Romain CHARRIER - Publié le 4 septembre 2016
Complexe de potiers de Sallèles-d'Aude - Image d'illustration © Jean-Claude Golvin
Définition des fours de potiers
Les fours gallo-romains sont des installations à tirage vertical. Le foyer situé dans un canal allongé (l'alandier) alimente une chambre de chauffe souterraine, les gaz de combustion s’infiltrent ensuite au travers de la sole (dalle suspendue et perforée), pour aller chauffer la charge à cuire déposée dans le laboratoire. Ces installations sont partiellement ou totalement enterrées permettant une économie de structure. On procède au chargement des céramiques par une porte située à l’arrière ou sur le côté du four, ouverture qui est scellée pour le temps de la cuisson.
Il existe de petits ateliers disséminés sur le territoire rural (dans les vicus, les villae) pour la production de céramique commune à usage quotidien, et de grands centres de production urbains pouvant regrouper des centaines de fours de potiers, rationalisant une activité industrielle à la chaine (extraction et préparation de l'argile, façonnage, séchage, cuisson, expédition).
La cuisson pouvait durer trois à cinq jours, autant que le refroidissement. Deux semaines pouvaient s'écouler avant la cuisson suivante, le temps de remettre le four en état et de réenfourner. C'est pourquoi il y avait systématiquement plusieurs fours dans un même centre de production pour qu'elle puisse se faire en continu.
Pourquoi MEDIOLANVM a vu se développer une telle industrie ?
Cette concentration d'ateliers urbains à Saintes s'explique par l'importance de la ville sous le Haut-Empire Romain. Mediolanum était la capitale de la Gaule Aquitania et les grandes voies romaines convergeaient vers la métropole antique. La production locale et régionale de la céramique s'est logiquement centralisée dans la cité. Cette production pouvait s'exporter facilement via le fleuve Charente en amont dans les terres et en aval par la mer. L'argile, l'eau et le bois nécessaire à la production était disponible en quantité sur place, favorisant cette activité.
Où s'est concentrée la production de céramique à Saintes ?
Deux secteurs sont identifiés pour cette activité céramique. Dans un premier temps, sous les règnes d'Auguste à Claude, une production artisanale se développe dans la banlieue ouest et nord-ouest de la rive gauche. Des fours gallo-romains ont été trouvés au cimetière Saint Vivien près des thermes de Saint Saloine comprenant des bâtiments en torchis, des fosses et un puits, ainsi qu'aux ateliers municipaux de la ville, sur le site de la clinique Richelieu et près du cours Genêt.
Dans un second temps, durant l'époque flavienne, la ville se développant rapidement et l'activité étant très polluante, la production devenue quasi-industrielle se délocalise à l'extérieur de la ville, dans la plaine voisine de la rive droite. Sur le site du Champs Cloux a été fouillé une vaste cour entourée de bâtiments dont les fondations étaient maçonnées, une petite cour pouvant correspondre à une aire de foulage et un bassin interprété comme un mortarium. Dans la pré de la Pallue, un important complexe de production très diversifié a été découvert avec plusieurs bâtiments, des aires empierrées et remblayées avec les rebuts de cuisson, un large chemin en bordure de fleuve, des fosses de décantation et des tessonnières. Dans la rue du jardin du Roy près du Haras, un puits jouxtant une paire de fours a été mis au jour.
Y sont produits des amphores, des cruches, de la céramique sigillée (vaisselle), des tugulae et des imbrices (tuiles), des carreaux de pavage, des tubuli (conduits de chauffage), des briques, mais également des éléments décoratifs (médaillons, figurines, masques), le tout principalement dans des fours circulaires d'inspiration gauloise sur la rive gauche puis dans des fours quadrangulaires de type romain pour la production des ateliers de la rive droite.
L'abandon des sites de production céramique de Saintes
Les ateliers de la rive gauche ont été abandonnés dès la deuxième moitié du Ier siècle en raison de l'expansion de la métropole antique, pour être remplacés par des quartiers d'habitation. Cette activité artisanale polluante a été délocalisée à l'extérieur de la ville, sur la rive droite de la Charente, plus près du fleuve, favorisant par la même occasion l'exportation des marchandises par cette importante voie navigable.
Les gros ateliers de production de la rive droite ont assuré une activité intense au dernier tiers du Ier siècle et au cours du IIème siècle témoignant de la vitalité de la ville à l'époque de la dynastie des Flaviens et des Antonins. Mais les ateliers ont tous disparu à la fin du IIème siècle, sans que d'autres sites ne prennent le relai, prouvant le déclin brutal de MEDIOLANVM et la perte de son statut de capitale au profit de BVRDIGALA (Bordeaux).
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Article de Romain Charrier - 04/09/2016
- Illustration Jean-Claude Golvin
Informations tirées de :
- L'Artisanat Antique à Saintes, Recherches archéologiques en Saintonge - Jean-Louis Hillairet - SAHCM - 1995
- Les ateliers de potiers Saintais de la rive droite de la Charente par Alain MICHAUD - SFECAG - 1991 http://sfecag.free.fr/ACTES/1991_041-052_Michaud.pdf
- Inventaire des ateliers céramiques antiques en Poitou-Charentes par Christian VERNOU et Jean-Philippe BAIGL - SFECAG - 1991 http://sfecag.free.fr/ACTES/1991_021-032_Vernou-Baigl.pdf
Inventaire des fours de MEDIOLANVM
Les fours rive gauche de MEDIOLANVM - Epoque Augusto-Claudienne
► Aux Ateliers Municipaux : Importante tessonnière de céramique commune rouge découverte en 1970 indiquant la proximité d'un important atelier (non dégagé) de la fin du Ier siècle/début du IIème siècle.
► Cimetière Saint Vivien : Atelier d'époque augusto-tibérienne comprenant au moins deux batteries de deux fours circulaires à banquette centrale d'environ 1,40m de diamètre, d'inspiration gauloise. Production de vases de type terra nigra. Atelier abandonné avant le milieu du Ier siècle pour laisser place à un quartier d'habitation.
► Cours Genêt : Importante Tessonnière découverte en 1974 (vases en céramique dite "savonneuse" et en céramique brune semi-fine). Four d'époque augusto-tibérienne probablement proche.
► Entre les cours Genêt et Lemercier : Découverte en 1954 d'un four bien conservé.
► Rue d'Aubenton : Découverte en 1954 de l'alandier d'un four circulaire maçonné d'1,10m de longeur et 0,60m de hauteur.
► Rue du Bois d'Amour : Quartier artisanal avec plusieurs fours d'époque augustéenne jusqu'à la fin du Ier siècle de notre ère.
► Rue de la Boule : Nombreux déchets de production suggérant la présence d'un four vraisemblablemenntd'époque claudienne.
► Rue des Petits Champs : Découverte près de la clinique Richelieu d'un fourneau datant du milieu du Ier siècle.
► Rue Montlouis : Découverte de deux fours au nord de la clinique Richelieu datant de la fin du Ier siècle jusqu'au courant du IIer siècle de notre ère.
Les fours rive droite de MEDIOLANVM - Epoque Flavienne
► Champ Cloux : Un four rectangulaire et un circulaire, production de céramique commune rouge, d'amphores et de tuiles, fin du Ier siècle.
► Pré de la Pallue : Officine comprenant plusieurs bâtiments et les vestiges maçonnés d'une structure pouvant être un four de séchage. Production variée, fin du Ier-début du IIème siècle.
► Jardin du Roy : Découverte en 1985 d'un four circulaire en forme de cône pour la production de céramique commune grise et deux fours circulaires pour la production de céramique commune rouge de la fin du Ier siècle.
► Entre les Métrelles et la Boucauderie : Présence hypothétique de fours de potiers évoquée par la découverte de très nombreux fragments de tuiles romaines, d'amphores et de tessons de poterie rouge et commune.
Extrait de l'Artisanat Antique à Saintes - Jean-Louis Hillairet - SAHCM - 1995
Extrait de l'Inventaire des ateliers céramiques antiques en Poitou-Charente de Christian VERNOU et Jean-Philippe BAIGL - 1991
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Ce blog est un média dédié à l'histoire de MEDIOLANVM (nom antique de Saintes), à l'actualité archéologique en Saintonge (et parfois au-delà) et de son peuple celte les SANTONES. Je ne suis ni archéologue, ni historien, juste un amateur passionné par ces sujets, vice-président de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime. Les informations de ce site sont tirées d'ouvrages, de rapports de fouilles, de communiqués de presse, de conférences, de visites de chantiers archéologiques, de rencontres et d'entretiens avec des spécialistes.
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