Oléron, de la Préhistoire aux 1^er métallurgistes, bilan des fouilles et prospections de ces 10 dernières années

Tout commence sur un projet d’aménagement prévu aux abords du dolmen néolithique d’Ors, situé à l’entrée de l’île d’Oléron, sur la commune du Château-d'Oléron. L'occasion pour Ludovic Soler, archéologue départemental spécialiste du néolithique, de mettre en place un nouveau programme de recherches consacré aux populations anciennes de ce territoire insulaire. Les dernières interventions archéologiques menées sur l’île autour de ce thème remontent aux années 1990 et début 2000. Un premier bilan a été publié en 2008 (Laporte). Le nouveau programme mis en place s’inscrit dans la continuité du précédent et s’intéresse à l’évolution des occupations humaines et de leur milieu depuis le Néolithique jusqu’au début de l’âge du Bronze.

Les travaux réalisés se sont concentrés sur trois principaux sites : le dolmen et l’habitat d’Ors, le site de La Bassée-Terdoux et celui de L’Ecuissière. Tous ont la particularité d’être situés en zone littorale et ont nécessité la mise en place de techniques de fouille particulières, adaptées au milieu de l’estran. Les scientifiques ont fouillé au rythme des marées, sur ces sites particulièrement bien conservés, mais irrémédiablement érodés par l’océan.

Les premiers paysans d'Oléron

Les fouilles menées sur le site de La Bassée-Terdoux au Château-d’Oléron ont révélé deux fossés d’une enceinte attribuable au Néolithique moyen, aux abords d’un mégalithe, la Pierre Close de La Bassée. L'enceinte de cet habitat néolithique est à cheval entre l'estran et le marais de Terdoux.  Les fouilles ont entre autre mis au jour un talus encore en élévation, un aménagement de pierre sèche, un niveau de sol, une sépulture entre les deux fossés, du mobilier lithique et de la faune en abondance. Seulement 5 sites d'habitat de cette période (environ 4 000 ans av. notre ère) sont recensés entre la Bretagne et la région Toulousaine.

Ce village néolithique de la Bassée-Terdoux, fortifié par une vaste enceinte, semble contemporain du dolmen d'Ors, un monument funéraire connu depuis XIXe siècle, identifié par le docteur Pineau. Il s’agissait d’une construction monumentale édifiée autour de 4 500 à 4 000 avant notre ère, un tertre de 20m de large sur plus de 50m de long. Il renfermait un caveau collectif dont le gros bloc de pierre aujourd'hui visible était le plafond. Le reste du tertre est en grande partie rongé par l’océan.

Un second village fortifié

Plus tard, vers -3 500, c'est un nouveau village fortifié qui se développe sur le site d’Ors, venant englober le monument funéraire déjà en ruine, mais suffisamment bien conservé pour être intégré à un rempart qui longe un grand fossé.  Le village n’avait pas les pieds dans l’eau à cette époque, le trait de côte était plus au large. Des fossés formant une vaste enceinte du village ont été révélés lors des différentes campagnes de fouilles, contenant les vestiges des activités du quotidien : poteries de cuisson et de stockage, ossements des animaux élevés et consommés, poissons et coquillages récoltés sur le littoral, outils en os et en silex et même sept squelettes témoignant du rôle également funéraire de cette enceinte. Les premières investigations archéologiques sur ce site remontent aux années 1960, avec l'intervention de Michel Rouvreau et Roger Joussaume sur l’estran. Ils mettent au jour une petite série de foyers et des structures en creux réalisées dans le substrat calcaire, aménagées de structures en pierre sèche. Dans les années 1990, les travaux menés par Luc Laporte mettent en évidence l'emprise du tumulus du dolmen d’Ors et un niveau d’occupation antérieur attribuable au Néolithique moyen. Puis à partir de 2015, c'est Ludovic Soler qui débute son étude du site.

Connu également depuis les années 1960, le site de l’Écuissière à Dolus est une ancienne tourbière riche en vestiges archéologiques, aujourd'hui rongée par l'érosion du littoral. Cette érosion met régulièrement au jour du matériel lithique, de la céramique décorée, attestant d'une occupation néolithique. L’inéluctable disparition de ces vestiges archéologiques situés sur le littoral nécessite leur identification et enregistrement, à défaut de pouvoir les préserver pleinement. Le site de l’Écuissière est également connu pour ses pêcheries anciennes, un des plus anciens témoignages du patrimoine bâti de l'île. Ces ouvrages de pierre en forme de fer-à-cheval, construits sans aucun mortier sur l’estran rocheux, étaient destinés à la capture du poisson. L'équipe en a profité pour compléter l'inventaire de ces écluses à poissons.

Ces habitats entre terre et mer, témoignent de l'évolution du trait de côte. L'archéologue a conclue sa présentation en dévoilant qu'un projet de valorisation du dolmen d'Ors est en préparation, avec pour objectif de préserver et faire connaitre ce patrimoine bien souvent ignoré ou méconnu.

Article de Romain CHARRIER - 03/04/2025

Source : Conférence de Ludovic Soler le 21 février 2025 à Saintes, organisée par la SahCM

Fouilles archéologiques programmées menées sous la direction de l'archéologue Ludovic Soler du Service d'Archéologie Départementale, site du dolmen d'Ors, Château d'Oléron

Pour aller plus loin :

Ludovic Soler, « Le Château-d’Oléron – Terdoux » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Nouvelle-Aquitaine, mis en ligne le 21 juin 2024. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/161367

Ludovic Soler, « Le Château-d’Oléron – Ors » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Nouvelle-Aquitaine, mis en ligne le 31 août 2021. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/103864

Le site de l’Ecuissière à Dolus (île d’Oléron, Charente-Maritime), Luc Laporte, 1986, Cultures campaniformes du Centre-Ouest de la France, p.77-88.

Vivien Mathé, Vincent Ard, « Dynamique d’occupation et d’exploitation du sel dans les golfes charentais, du Néolithique à l’âge du Fer » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Nouvelle-Aquitaine, mis en ligne le 04 juillet 2024. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/166007